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BRISSON


Mais Brisson exigea la lecture du dispositif « sans quoi il n’y aurait plus de conseil des ministres » ; et Zurlinden dut céder, tout en maugréant que « c’était contraire à l’usage »[1].

C’est ainsi que les ministres connurent, pour la première fois, que des officiers de l’État-Major, sous l’œil bienveillant des chefs, étaient venus en aide à Esterhazy. Cependant, le rapport de Renouard était très sommaire[2]. Pas un mot de la lettre « aux deux écritures », des lettres au Président de la République, de l’entrevue de Montsouris, des fausses barbes et des conserves dont s’étaient affublés Du Paty et Gribelin pendant qu’Henry faisait le guet.

Cette révélation, toute incomplète qu’elle fût, fit une vive impression ; la plupart des ministres étaient fort ignorants de l’affaire et n’avaient même pas lu la sténographie du procès de Zola.

La discussion s’engagea alors sur la Revision. Zurlinden convint qu’il l’avait crue prochaine, il y avait six jours[3], avant d’être ministre, mais il s’y opposait maintenant pour deux raisons : parce que l’auteur du bordereau, c’était bien Dreyfus ; et parce qu’Henry n’ayant pas déposé en 1894, en son nom personnel, mais au nom du service, le faux qu’il avait commis en 1896 ne pouvait pas jeter de suspicion sur son témoignage ni vicier le jugement. — Brisson répliqua, avec beaucoup d’émotion et le désir de faire revenir le général. Le bordereau, introduit à l’État-Major par Henry, « perd par là beaucoup de sa valeur ». Si Henry a témoigné

  1. Brisson, Siècle du 20 mai 1903 ; Zurlinden, Ma Réponse.
  2. Cass., II, 202 à 206, rapport Renouard.
  3. Ibid., I, 41 ; Rennes, I, 205, Zurlinden, et lettre du 10 septembre 1898 à Sarrien. — Zurlinden dit « qu’il ne fit que répéter dans cette lettre l’avis qu’il avait donné au Conseil ».