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BRISSON


l’armée, sous sa responsabilité, le droit d’arrêter de telles poursuites[1].

Le malheureux Brisson ne risqua rien de tel. Outre qu’il était naturellement sans initiative, il n’accusa que Zurlinden et seulement d’incorrection à son égard et de mauvais procédés ; cette affaire du petit bleu lui semblait toujours suspecte, et son incompréhension des choses s’était transportée de Dreyfus à Picquart. Sarrien et lui ne firent donc venir que Chanoine, ce qui permit au cynique personnage, accouru sur l’heure, de tout rejeter sur son camarade. Il allégua d’abord, très consciemment, une de ces grosses sottises qui constituent un retranchement invincible : « que la demande en revision avait reçu sa solution avant qu’il fût nommé ministre et qu’il n’avait plus à s’en préoccuper » ; puis, « qu’il avait trouvé au ministère le dossier du petit bleu et l’avait (seulement) transmis au gouverneur de Paris », ce qui n’était même pas matériellement exact, puisqu’il avait envoyé, le matin même, à la Place, outre le dossier, « l’ordre formel d’informer »[2]. Brisson, pour s’excuser d’être tombé à cette autre imposture, raconte qu’il a connu seulement par le récit de Zurlinden, le 23 mai 1903, l’existence de cet ordre « formel » du 20 septembre 1898[3]. C’est l’un de ses torts, Il n’aurait eu, pour le connaître en temps utile, qu’à interroger le soir même Zurlinden, comme tout lui en faisait un devoir. Si Zurlinden avait vraiment engagé, de son propre chef et avec une telle hâte,

  1. Voir p. 381, le texte de l’exposé des motifs du Code de justice militaire.
  2. Souvenirs. (Siècle du 28 août 1903.)
  3. « C’est seulement par l’article du Gaulois du 23 mai dernier que j’ai connu cet ordre formel… » (Siècle du 7 septembre.)