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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Clemenceau, jusque dans la salle d’audience de la huitième chambre, refusa de croire à l’invraisemblable histoire : « Brisson ne permettra jamais cette infamie[1]. »

Il fallut, pour l’en convaincre, le réquisitoire du substitut Siben, qui demanda le renvoi de l’affaire pour deux raisons : parce que « la porte était ouverte sur la Revision », et parce que Picquart était inculpé de faux. Siben espère encore que le petit bleu est authentique ou que « Picquart a seulement manqué de perspicacité ». Mais, si Picquart a commis « l’acte infâme » de le fabriquer, il n’y aura pas assez de sévérités pour le punir[2].

Dans ces temps empestés de fourberies, on en imaginait, comme s’il n’y en avait pas assez. Labori supposa que la veille, quand il était convenu de la remise avec les magistrats, ceux-ci connaissaient déjà les nouvelles poursuites. Le président Bernard, l’avocat de la République protestèrent. Labori demanda alors au tribunal d’engager le débat au fond, d’entendre les témoins, « La procédure de revision n’aura rien à voir dans l’affaire. » Ordonner la remise avant le débat, c’est faire tenir le civil en état par le militaire.

Il n’avait aucune chance de faire admettre sa thèse, mais quand retrouverait-il l’occasion de faire connaître le cas, si simple, de son client, de crier à la barre que Picquart était innocent de toute faute ?

On reproche à Picquart, en butte à des machinations odieuses, d’avoir été trouver un avocat, de lui avoir confié sa défense sans réserve, de lui avoir donné un mandat général de défense. Il n’a rien fait de plus. Et l’avocat le

  1. Aurore du 23 septembre 1898.
  2. Instr. Fabre, 264 à 268, Siben.