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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Bahr-el-Ghazal jusqu’à sa jonction avec le Bahr-el-Djebel, et « jusqu’au pays des Chilloutis, sur la rive gauche du Nil »[1]. Entre ces braves gens, toute querelle était impossible. Kitchener, en 1870, avait servi dans l’armée française. Il se contenta de planter son drapeau et celui de l’Égypte, suzeraine du Soudan, à côté du nôtre.

Maintenant, c’était à leurs gouvernements de décider et, tout de suite, apparut l’enfantillage du gigantesque projet dont Hanotaux et Delcassé avaient rêvé, sans préparer la guerre. On pouvait discuter si cet inhabitable pays des Rivières était devenu res nullius depuis son abandon par les khédives[2] ; si, vraiment, tout le Nil, même inconnu, faisait partie intégrante de l’Égypte ; et si Kitchener était à Khartoum à un autre titre que Marchand à Fachoda. Il n’y avait de Droit nulle part, rien que deux droits de conquête en présence. Mais c’était un fait que l’impossibilité pour l’Angleterre de s’arrêter devant ce campement perdu, de laisser casser en deux par cette paille son empire du Nil. Bien avant que Marchand ne se fût mis en marche[3], elle avait décrété que toute occupation, même partielle, de ces territoires devait être

  1. Lettre de Delcassé, du « 5 octobre 1898, à Geoffray, sur sa conversation du même jour avec Monson : « Quelle que soit la localité où la nécessité de garantir nos possessions africaines contre les derviches ait pu conduire le capitaine Marchand… »
  2. Même note ; Monson à Salisbury, le 22 septembre.
  3. Chambre des Communes, 28 mars 1895, déclaration du sous-secrétaire d’État aux (communes, sir Edward Gray. — Dès le lendemain, l’ambassadeur de France formula « les réserves qu’appelait ce langage ». Puis, le 5 avril, Hanotaux protesta au Sénat qu’il avait refusé son acquiescement aux revendications trop vagues de l’Angleterre : « Faites-nous savoir du moins à quels territoires elles s’applique ! » — Le dialogue reprit à Paris en décembre 1897, l’ambassadeur anglais se reportant au discours de Gray, Hanotaux à ses précédentes réserves. (Livre Bleu.) Le 18 septembre 1898, Delcassé s’expliqua « sur ce que les journaux appellent la mission Marchand ».