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BRISSON


quart de retrouver une sixième fois ces misérables accusations, il y répondit avec le même sang-froid et la même précision, nullement embarrassé à convenir de quelques erreurs de mémoire ou de diagnostic qu’il avait commises, bien plus, allant pour la première fois au fond des choses. Ainsi, il expliqua qu’Henry par ses accointances avec Esterhazy, son « ancien camarade, dont il devait connaître l’écriture », et les officiers du bureau, « plus ou moins les complices du faussaire », par la part qu’ils avaient prise à la condamnation de Dreyfus ; les uns ont agi « dans une intention mauvaise », les autres « par solidarité inconsciente »[1]. — On ne voudrait pas que Tavernier, débarqué de province pour être brusquement jeté dans une histoire aussi compliquée, se fut révélé plus perspicace que Pellieux ou le général de Saint-Germain, Delegorgue ou Fabre, et qu’il n’eût pas accepté comme la vérité ce qui en était le contre-pied, mais garanti par cinq ministres de la Guerre, les grands chefs de l’État-Major et l’unanimité des témoins militaires. Cuignet, surtout, lui imposa, à cause de tant de trouvailles qu’il avait faites, de l’autorité qui lui en était venue, et de sa logique pénétrante, par exemple pour démontrer que Picquart avait cherché d’abord à substituer Donin (de Rosières) à Dreyfus, « en raison de la tare morale de cet officier et de l’initiale de son nom patronymique »[2]. À la vérité, Gribelin, malgré sa

    avait pas été recommandé « par des personnalités influentes n’appartenant pas à l’armée », c’est-à-dire, comme Drumont l’avait accrédité, par moi.

  1. 30 septembre 1898. Il insista sur les répugnances d’Henry « à accepter comme exactes les révélations de Cuers ». « Je ne puis m’empêcher de penser qu’il y a là une idée à suivre au point de vue du rôle d’Henry dans cette affaire. » — Il fut interrogé neuf fois, du 23 septembre au 22 octobre.
  2. 17 octobre 1898.