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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tourée de marais et complètement coupée de l’intérieur. Kitchener se louait de la courtoisie des officiers français à son égard ; ils l’avaient galamment accueilli et félicité de sa victoire d’Omdurman, mais « leurs prétentions d’avoir occupé les provinces du Bahr-el-Ghazal seraient ridicules, si leurs souffrances pendant leur périlleux voyage ne rendaient pathétique la futilité même de leur effort ». Si la destruction du Mahdi avait été retardée de quelques jours, « Marchand et ses compagnons auraient été massacrés par les derviches »[1]. Tout cela n’était que trop vrai. Et non seulement Baratier le confirma, mais Marchand lui-même, comme s’il s’était méfié de quelque gasconnade, quitta son camp et courut au Caire[2]. En Angleterre, le Gouvernement, l’opposition, l’opinion se montrèrent inflexibles. Point de tractation tant que le drapeau français flottera sur Fachoda. Dupuy et les nouveaux ministres proposèrent que la question fut tranchée tout de suite. Freycinet trouva une heureuse formule qui fut insérée dans la déclaration : « Notre politique extérieure, préoccupée de proportionner ses efforts à la valeur du but, s’inspirera des intérêts bien compris du pays. » À la même heure, à Londres, Courcel se rendit chez Salisbury : « Son gouvernement était arrivé à conclure que l’occupation de Fachoda n’avait pas de valeur pour la République[3]. » Le soir, au banquet de Guildhall, le premier ministre donna la nouvelle. Il rendit hommage à la sagesse de la France.

C’est ce que les nationalistes appelèrent « l’humiliation, la honte de Fachoda ». On annonça d’abord des

  1. Rapport du Sirdar. (Livre Bleu.)
  2. 23 octobre-3 novembre 1898. Plus tard. Marchand raconta qu’il lui aurait été aisé de tenir en échec les Anglais avec ses 180 fusiliers soudanais, que Fachoda était imprenable, que les Égyptiens se seraient tournés contre Kitchener, que les Abyssins se fussent mis de la partie (Figaro du 26 août 1904).
  3. 4 novembre. Discours de lord Salisbury.