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CHAMBRE CRIMINELLE


de mémoire qu’a commises Picquart sont des mensonges[1]. Il se croyait d’autant plus militaire qu’il employait de plus gros mots[2].

Picquart ne fut interrogé à nouveau, après trois semaines d’un secret absolu, que sur une réclamation formelle qu’il adressa à Freycinet[3]. Il renouvela ses protestations ; accusé d’être vendu au Syndicat, il exposa que Dreyfus ne lui fut jamais sympathique, qu’il le nota médiocrement, n’eut aucune relation avec lui et, quand il le plaça au bureau de son ami Milon-Mercier, s’en excusa[4].

Cela était exact, comme tout le reste des déclarations de Picquart. Mais Tavernier n’en fut pas plus touché. Chanoine et Zurlinden ne l’avaient pas fait venir de Marseille pour conclure à un non-lieu.

Cependant il eût voulu traîner encore en longueur, et toujours sans laisser Picquart communiquer avec Labori. Le procureur général Bertrand en reconnaissait le droit à l’avocat, si les militaires y consentaient. Labori, laissé sans réponse par Chanoine, réitéra sa demande à Freycinet, qui finit par lui accorder audience. Il y avait, le 13 novembre, cent vingt-deux jours que Picquart était en prison et quarante-neuf qu’il était au secret. Seuls, ses parents les plus proches, son cousin Gast, d’un dévouement passionné, avaient été autorisés à le voir[5].

cette question, nullement secondaire, disparaissait

  1. Instr. Tavernier, 2, 4, 7 et 12 novembre, Roget. — C’est à Tavernier que Roget raconte qu’il a signalé à Gonse, en mai, le grattage du petit bleu, Gonse, au contraire, dit « que son attention n’a jamais été appelée sur ce point ». Picquart (Mémoire 42) se plaint que Gonse et Roget n’aient pas été confrontés.
  2. Cass. Audience du 8 décembre 1898, Mimerel.
  3. Lettre du 5 novembre 1898. — Le 2 novembre, il avait transmis à Tavernier une lettre suspecte qui portait, comme la fausse lettre à l’encre sympathique, le timbre de la rue Cambon.
  4. 12 novembre 1898.
  5. Liberté du 12 novembre 1898, conversation avec Gast.