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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


parcelle quelconque de la vérité doivent la faire connaître publiquement. » On lui crie encore qu’il a bien tardé, et il le sait bien, mais il répare. Coup sur coup, il déclare qu’aucun de ses anciens collègues n’a jamais entendu parler « d’aucune autre charge précise contre le capitaine Dreyfus que le bordereau », qu’ils n’ont jamais eu connaissance « d’aucun dossier diplomatique ou secret », qu’ils n’ont jamais rien su « des aveux faits par le condamné à Lebrun-Renaud ».

Cette fois, c’est Cavaignac qu’il atteint. Mais celui-ci se dresse, et, malgré les socialistes qui le huent, Guieysse qui lui crie : « Vous n’avez que des excuses à adresser à la Chambre », il riposte que les aveux ont été recueillis par Mercier.

C’eût été à Dupuy à le dire, si c’eût été vrai. Il se taisait. Poincaré, le regardant bien en face, affirme, de nouveau, que Mercier n’a parlé des aveux « à aucun de ses collègues », que Lebrun, appelé chez Dupuy, ne lui en a rien dit. Dupuy continue à se taire.

Dix fois dans cette Chambre, Cavaignac avait allégué les aveux sans que Poincaré protestât. Gauthier (de Clagny) l’en fait souvenir. Alors, il s’accuse lui-même, et, s’accusant, se dégage :

Je sais bien qu’en rompant aujourd’hui ce silence qui me pesait, je m’expose à des attaques, à des injures, à des calomnies. Je ne m’en soucie pas. Je suis heureux d’avoir saisi, à cette tribune, l’occasion, trop longtemps attendue, de libérer ma conscience.

Poincaré, dans ce discours, donna tout ce qu’il avait de meilleur et, en outre, des arguments décisifs aux défenseurs de Dreyfus et la plus heureuse des formules à tous ceux qui hésitaient encore.