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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


parti pris manifeste ; que le conseiller Dumas avait eu, lui aussi, des conférences avec des parents et des amis de Dreyfus ; enfin, qu’un autre conseiller avait tenu des « conciliabules prémédités » avec Picquart, dans les urinoirs[1].

VI

À la question poignante que la politique trop souvent pose aux consciences les plus droites : Faut-il sacrifier une partie de ses idées, de son être moral, pour garder le moyen de mieux défendre le reste, ou faut-il se condamner à l’impuissance en bravant les faits, par fidélité aux principes ? À cette question, tous les écrits, toutes les paroles, toute la vie de Jules Simon avaient fait d’avance la réponse : il se sacrifia[2].

Il n’est point démontré que la fidélité aux principes condamne à l’impuissance ; tout au plus éloigne-t-elle des honneurs. Deschanel, qui a prononcé plus tard ces phrases et qui avait fait son choix, se borna à l’interrogation la plus modeste.

Il demanda, en remontant au fauteuil, « par quel vertige, par quel contraste impie », on pouvait opposer l’un à l’autre « ces deux nobles amours de la France », l’armée et la justice, «. au risque de lui déchirer le cœur[3] ».

  1. Écho de Paris du 1899. — Enq. Mazeau 15, Quesnay.
  2. Discours de Deschanel à l’inauguration de la statue de Jules Simon, 12 juillet 1903.
  3. 12 janvier 1899. — Il avait été réélu à une grande majorité, par 323 voix contre 137.