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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


qu’à l’aplatissement, l’approuva d’avoir chargé Mazeau de présider au jour de l’arrêt, d’avoir ainsi infirmé irrémédiablement l’autorité de la Chambre criminelle, exigea de lui la lecture du rapport du capitaine Herqué (dont il s’était procuré lui-même une copie)[1], et le somma de révoquer Manau. Il avait découvert à la charge du vieux procureur un nouveau tort, celui d’avoir conclu à la Revision sans avoir pris connaissance du dossier secret. Manau, comme on sait, l’avait demandé ; Chanoine l’avait refusé[2] ; Cavaignac lui-même s’était opposé à ce qu’il fût montré à la Chambre criminelle. Maintenant, il faisait un crime à Manau de ne l’avoir pas attendu.

Nulle rectification, ni des ministres, ni de Brisson.

Comme, pourtant, il fallait dire quelque chose, Pelletan se fit gloire « de n’avoir jamais pris parti dans la querelle ardente qui divisait un grand nombre de Français », s’amusa d’une motion de Baudry d’Asson (vieux chouan qui tenait les grotesques) de traduire la Chambre criminelle devant un conseil de guerre, et proposa l’ordre du jour pur et simple, ce qui fut accepté[3], parce que « c’était un spectacle indigne de la Chambre d’y voir transporter l’antichambre de la Cour de cassation ».

  1. Deux députés (Chautemps et Simyan) demandèrent à Dupuy d’ouvrir une enquête « sur les agissements de Cavaignac qui avait en sa possession des documents qui n’auraient pas dû venir à sa connaissance ». Dupuy promit, hors séance, de le faire, et n’en fit rien.
  2. Voir p. 322. — Cavaignac convenait lui-même que Manau avait demandé le dossier secret à la date du 13 octobre, avant de déposer, le 15, son réquisitoire écrit. Le 19, Manau renouvela sa demande, « prenant l’engagement de ne faire aucun usage, dans ses conclusions, des pièces secrètes qu’il aurait lues ». Il y avait, en effet, en dehors du dossier secret, des motifs suffisants à revision. « Je demande s’il n’y a pas là l’aveu de la partialité la plus monstrueuse. »
  3. Par 412 voix contre 111 ; la minorité (dont Drumont, Déroulède, le prince de Broglie. Alphonse Humbert. Wilson) eût