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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


firent savoir qu’ils se présenteraient le lendemain. Ils tinrent alors un second conseil, où Leygues et Delombre renouvelèrent leurs objections, mais sans aller jusqu’à se démettre, bien qu’ils y eussent songé.

On décida de brusquer l’opération. Dupuy, qui avait, entre autres, le mérite de ne pas reculer devant la besogne, se rendit aussitôt à la Commission et lui expliqua le plus simplement du monde sa palinodie par le changement des circonstances. D’ailleurs, le projet de Lebret modifiait sur un point celui de Gerville-Réache ; le ministre bas-normand n’attribuait la décision à la Cour tout entière que si l’enquête préparatoire avait été faite par plus de trois membres (ce qui était le cas), alors que le mulâtre, moins subtil, dessaisissait la Chambre criminelle dans tous les cas[1].

Quesnay triompha bruyamment : « C’est moi qui me suis levé pour demander que notre robe ne fût pas contaminée par le voisinage de magistrats douteux. » Et il réclamait contre eux des poursuites : « Le président Mazeau n’a pas affirmé leur honorabilité professionnelle[2]. » En outre, il insistait pour que Manau, « anti-religieux, ultra-radical et emballé », fût éloigné de la Chambre criminelle et remplacé par l’avocat-général Desjardins. S’il consentait « à ne pas demander sa tête », c’est que Manau, l’année précédente, quand la Cour avait eu à s’occuper de la procédure de Quesnay dans l’affaire du Panama, « s’était conduit envers lui avec une droiture et une délicatesse touchantes, alors que d’autres faisaient le contraire[2] ».

Le surlendemain (30 janvier), au début de la séance, Lebret donna lecture du projet, exposé et dispositif. Du

  1. 28 janvier 1899.
  2. a et b Écho de Paris des 28 et 29 janvier.