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LE DESSAISISSEMENT


trousser cette magistrature, de lui lever les jupes et de la fouailler. On en est réduit à vous savoir gré de ne pas nous amener ces juges, dans l’hémicycle, entre deux rangs de gendarmes et le cabriolet au poing. La politique va juger la justice… Et nous, de l’implacable opposition, nous serions assez bêtes pour ne pas vous aider à jeter bas et dans le ruisseau une magistrature que vous avez défigurée, galvaudée, falsifiée, afin de l’employer contre notre fortune, nos libertés, nos croyances religieuses ? Non ! Non ! Nous sommes avec vous, contre vous[1] ! » Cruppi lut ces pages, s’engagea avec Dupuy. Dans le rapport de Renault-Morlière, le droit, offensé, parla très haut : « De telles lois sont essentiellement dictatoriales et révolutionnaires, dans le plus mauvais sens du mot. N’ont-elles pas toujours été repoussées avec indignation par tous ceux qui gardent quelque attachement pour les idées libérales ? » Il raconta la palinodie du Gouvernement. Pour toute excuse, « l’exposé des motifs se borne à invoquer l’opinion publique ». À qui fera-t-on croire que les délations de Quesnay sont étrangères à ces nouvelles résolutions ? Il fallait « ou déclarer les magistrats innocents ou les poursuivre selon les voies légales ». Or, on reconnaît l’inanité misérable des accusations et, cependant, on dessaisit les juges, dans le chimérique espoir d’« apaiser « ceux qui les incriminent à tort. Il dépendra donc, à l’avenir, de quelques journalistes de disqualifier tout tribunal qui aura déplu. « Ce n’est pas impunément qu’on viole les principes[2]. »

  1. Autorité du 1er février 1899. — Un autre ancien magistrat Meyer, qui tenait à ce qu’on prononçât son nom Meillé, appuya la loi de dessaisissement. (Liberté du 2 février.)
  2. 8 février.