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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

La honte augmenta quand on lut, aux annexes, le dossier de l’enquête, les commérages des garçons de bureau, les lettres anonymes, les aveux du policier qui espionnait les magistrats dans les urinoirs, tout ce sale néant.

Sûr des nationalistes et de la droite, Dupuy, pour raccrocher quelques voix au centre et à gauche, déposa une demande en autorisation de poursuites contre Millevoye, en raison des placards « séditieux » qu’il avait fait apposer, en octobre, contre Brisson[1].

À l’Élysée, Félix Faure faisait venir les députés, les chapitrait.

Les chefs des divers groupes républicains étaient tous opposés à la loi et tous orateurs, quelques-uns d’un grand talent. Ils rédigèrent un manifeste et se crurent quittes.

Le manifeste répétait médiocrement le rapport de Renault-Morlière, les articles de la presse républicaine contre le projet. En plus, cette naïveté : « Nous faisons ce suprême appel au Gouvernement. »

Cela suait la résignation, la défaite. Ribot, invité à signer cette lettre de faire part, se déroba, annonça seulement qu’il voterait contre la loi. Signèrent Brisson, Bourgeois, Poincaré, Barthou, Isambert, Jonnart, Henri Blanc, Sarrien, Mesureur, Viviani, Millerand, Camille Pelletan, Albert Decrais et de la Porte.

Au moins, ces deux derniers signataires expliquèrent leur vote à la tribune[2], et Pelletan et Millerand, avec Renault-Morlière, firent une vérité de la phrase de Brisson : « Défendons, avec la République, les grandes idées auxquelles nous avons toujours été attachés. »

  1. 8 février 1899. — La demande du procureur général est datée du 30 janvier.
  2. 10 février.