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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


dos[1] », mais, eux aussi, ils écrivaient et « gueulaient » plus qu’ils ne faisaient. Le plus clair de leur machination, c’était que ces défenseurs de l’honneur de l’armée comptaient surtout, selon une vieille tradition royaliste, qu’ils finiraient bien par trouver un soldat qui accepterait de trahir, quelque Dumouriez, plus accessible que ne le furent Bonaparte au comte de Provence et Mac Mahon au comte de Chambord. Si « l’aristocratie était composée en majorité de je m’en foutistes », en revanche, « le peuple de Paris était mûr, ultra-mûr pour un coup d’État », et quelques petites bandes, à Caen et ailleurs, s’étaient équipées « pour se ruer sur les préfectures et y hisser le drapeau à bleuets[2] ». Ainsi Buffet pouvait dire « qu’il conspirait d’une façon permanente contre la République et qu’il continuerait à le faire, à moins qu’on ne le mît en prison[3] » ; et Arthur Meyer, « que le duc d’Orléans ne conspirait pas, mais qu’il prévoyait[4] ». En fait, le duc ne « prévoyait » pas avec le juif du Gaulois, à qui Lur-Saluces, notamment, ne cachait pas son mépris[5], mais seulement avec Guérin, qu’il avait encore reçu à Bruxelles, le mois passé[6], avec qui il ne liardait pas et qui était seul capable d’un coup de force et de tenir Déroulède en échec. Il avait

  1. Haute Cour, IV, 105, Dubuc à Brunet. — Les amis de Dubuc étaient, notamment Davout dit Cailly, Brunet et Flavin Brenier, « des frères de la Mort ».
  2. Ibid., II, 41, le baron de Brandois à Buffet, du 18 janvier 1899 ; 105, IV, Dubuc.
  3. Déclaration du 26 février au commissaire de police ; de même, le 16 novembre 1899, à la Haute Cour. — Sabran avoua les mêmes intentions exprimées dans un langage « plus militaire. (17 novembre.)
  4. Gaulois du 19 septembre 1899.
  5. Haute Cour, II, 111, Lur-Saluces à Cordier, du 24 octobre.
  6. Rapport Hennion, 14. — « Il avait reçu précédemment Buffet, de Ramel, Lur-Saluces, Sabran, Fréchencourt et Chevilly. (Haute Cour, I, 103 et suiv., dépêches ; II, 6 et 7.)