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MORT DE FÉLIX FAURE


donné également audience aux bouchers de la Villette et les avait trouvés solides ; ils assommeraient les défenseurs de la République et ceux de Dreyfus comme des bœufs. Il leur avait tenu un discours et ils avaient juré de tout casser, quand Monseigneur commanderait : « Marche[1] ! »

Pour les gens de la Patrie Française, ils allèrent au plus pressé qui était, comme on l’avait prévu, de « jeter, à pleins seaux, la boue et l’ordure » sur Loubet[2]. Ils avaient été fort grisés par le vote du dessaisissement, qu’ils considéraient comme une victoire personnelle, — Quesnay et Coppée s’en étaient targués dans deux conférences[3] ; — et considéraient qu’ils feraient « marcher la France ». Ils venaient de pousser l’audace jusqu’à envoyer une circulaire, avec un bulletin d’adhésion, à tous les officiers, leur promettant, ce qui aggravait le cas, de ne pas publier les noms. Un exemplaire m’en avait été aussitôt remis par un officier républicain et j’avais dénoncé le jour même cette tentative d’embauchage[4]. Le matin de l’élection, Quesnay et Lemaître publièrent, dans l’Écho, deux furieux articles. L’ancien procureur général y racontait (à sa façon) ses conversations avec Loubet, dans les jours qui précédèrent le procès du Panama (que Quesnay lui-même avait déconseillé de faire), Loubet, alors président du Conseil, lui aurait dit qu’il possédait la liste (qui n’exista jamais) des députés corrompus et aurait cherché à sauver les coupables ; à la dernière heure, il l’avait fait venir pour lui demander « d’écarter un des noms

  1. 29 janvier 1899. — Haute Cour, 17 novembre 1899, interrogatoire de Sabran.
  2. Millerand, dans la Lanterne du 18 février 1899.
  3. 10 et 15 février.
  4. Siècle du 14 février.