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CAVAIGNAC MINISTRE


sa première entrevue avec Bertulus (21 juillet). Enfin, le 26, il revint une dernière fois avec Junck. Il procéda, ce jour-là, « à une vérification minutieuse et complète des papiers », mais « sans y trouver rien de plus que la première fois[1] ». Peut-être avait-il été repris d’un accès de défiance, dont Esterhazy s’irrita, mais sans rien lâcher qu’un propos ironique. Comme Bertulus, après le départ des deux officiers, demandait à son greffier : « Quelles pièces peuvent-ils bien chercher ? — Oh ! je sais bien, grogna Esterhazy, c’est la garde impériale ; mais ils ne l’auront pas ; elle est en lieu sûr[2]. »

Henry et Junck rendirent compte à Gonse, qui était en traitement chez les frères Saint-Jean de Dieu, et à Roget[3]. Ils leur rapportèrent les excellentes paroles d’Esterhazy et que ce pantin de juge menait son instruction comme aux Bouffons. Il a traité Henry « avec une familiarité affectueuse », — chose invraisemblable, observera plus tard Roget, si Henry avait avoué précédemment la trahison d’Esterhazy, « ce qui eût été presque, de sa part, un aveu de complicité[4] », — et il a badiné tout le temps avec les officiers, les avocats et les accusés. Le juge « s’asseyait sur son bureau, grimpait sur sa table, faisait des gamineries » ; le greffier, facétieux lui aussi, mais avec plus de mesure, « retombait vite dans sa dignité comme dans un baquet d’eau sale[5] ». Comme il faisait chaud, le galant magistrat autorisa Marguerite à enlever son corsage ; ayant constaté « qu’elle aurait les bras nus ». il revint

  1. Dessous de l’Affaire, 27.
  2. Cass., I. 228 ; Rennes, I, 658, Bertulus.
  3. Cass., I, 573, Gonse ; 634, Roget ; Rennes, I, 650, Junck.
  4. Cass., I, 635, et Rennes I, 274, Roget.
  5. Dessous de l’Affaire, 35.