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CAVAIGNAC MINISTRE

XIII

La bataille sur ce terrain élargi fut vite perdue.

Bertulus, avant de clore son instruction, eut une dernière rencontre avec Henry. Édifié maintenant à son endroit et se rendant compte qu’il avait laissé échapper l’heure des confidences, il eût voulu lui faire au moins répéter ses déclarations au sujet des fausses dépêches. Mais Henry se déroba, d’accord apparemment avec Gonse et Roget, et il aurait persisté dans son refus de témoigner si Bertulus, s’obstinant lui aussi, n’avait déclaré « qu’il ne communiquerait son dossier » qu’après avoir entendu à nouveau le chef du service des Renseignements[1]. Henry, ayant alors déféré à la citation, commença par décliner le serment, n’y consentit que sur une injonction formelle, jura et se parjura. Il nia effrontément qu’il eût attribué les faux télégrammes à Du Paty, lors de sa première entrevue avec le juge. Et jamais la maîtresse d’Esterhazy, la seule fois où il était allé la voir, ne lui avait parlé des dépêches incriminées. Blanche et Speranza, mais d’une autre dépêche, « le télégramme Berthe envoyé à Du Paty de Clam. » Sur quoi, « n’y comprenant rien, Henry l’avait saluée et était parti[2]. »

Ce mensonge, si Bertulus avait su alors ce qui fut connu plus tard, lui aurait permis de découvrir Henry

  1. Cass., I, 229, Bertulus.
  2. Enq. Bertulus, 26 juillet 1898 et ordonnance du 9 août. — Rennes, I, 352 : « Je suis arrivé à faire déposer Henry, mais dans des conditions qui n’étaient plus les mêmes, et, naturellement, ce jour-là, j’ai perdu la partie dans la plus large part, je le confesse. » — Henry, dans le récit qu’il avait fait à Roget de sa visite à Marguerite, avait précisé qu’il s’agissait des fameuses dépêches. (Voir p. 62.)