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DÉFENSE RÉPUBLICAINE


rent, avec quelque chose de plus fébrile, la dernière partie où le joueur vide ses poches sur le tapis.

Dès le lendemain, la rage des perdants éclata dans une violente goujaterie.

Dupuy, avec son système de bascule, avait dépensé le plus clair de son crédit. L’obstacle, pour les royalistes et les nationalistes, c’était Loubet.

Si les césariens, toujours en quête d’un général et pas mal fatigués de Déroulède, surtout si les gens du Duc avaient été capables de réflexion, ils se fussent aperçus que tout ce qu’ils avaient fait contre Loubet tournait pour lui. Peu connu, lors de son élection, sauf des politiques et dans sa province, il avait beaucoup gagné depuis trois mois rien qu’à être insulté ; la haine, sans motif plausible, d’une grossièreté indécente, des adversaires de la République lui donna, par contre-coup, le cœur des républicains. Discrètement, sans avoir l’air d’y toucher, il y mit du sien. Sa simplicité, sa bonhomie, succédant au faste et à la morgue de Faure, firent plaisir, même à cette partie du public qui avait admiré la prestance décorative de l’ancien Président. En ramenant à l’Élysée la bonne façon bourgeoise, patriarcale de Grévy, il y reprit aussi sa politique ; l’ayant vu autrefois à l’œuvre, il le connaissait autrement que par les basses histoires et par les tristesses de sa fin, se souvenait de ses enseignements, d’un Nestor qui ne s’impatientait ni des grandes ni des petites choses. Il laissa Dupuy tanguer lourdement entre les républicains et la réaction militariste ou cléricale, s’enfoncer ; on savait, sans qu’il eût besoin de le dire, qu’il n’était pas avec lui. En avril, il inaugura ses voyages officiels par une visite à Montélimar, sa ville, dont il avait été maire pendant vingt-huit ans, et ce fut, après les solennelles promenades de son prédécesseur, une jolie