Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
DÉFENSE RÉPUBLICAINE


telligence. Et de tout cela, dans sa robuste vieillesse, il avait l’orgueil, de son épée et de son blason, de sa gloire de soldat, qu’on lui avait sottement disputée, et de sa réputation de bourreau, « parce qu’il eût été d’un goût médiocre » de s’en défendre[1] ; et il était fier d’avoir été aussi inflexible sur la discipline pour lui que pour les autres, d’avoir été riche et de n’avoir plus pour vivre que sa pension.

On a vu en leur lieu ses interventions dans l’Affaire, et, si ce n’était pas la première fois qu’il se séparait de son monde, puisqu’il s’était donné publiquement à Gambetta et déclaré non moins ouvertement contre Boulanger, il en avait recueilli beaucoup plus de colères, dans réchauffement des esprits et parce qu’on n’apercevait pas d’arrière-pensée intéressée à son attitude. (C’était l’époque où le général du Barail disait à Cornély, son ami de vingt ans et qui avait rédigé ses Mémoires, qu’il lui en voudrait toute sa vie de s’être prononcé pour la Revision, sauf si on lui avait donné promesse d’une bonne place.) Galliffet, qui n’avait point cherché à se faire pardonner son marquisat, ni même sa principauté des Martigues, par les républicains, professait, par contre, un grand dédain pour l’inintelligence des gens de sa caste et, n’ayant plus d’autres plaisirs, s’amusait à leur dire en face sa manière de penser à leur endroit. Ils lui avaient fait grief de ses amitiés avec des fils d’épicier ; cela valait mieux que de s’être enrôlé sous Boulanger et sali avec Esterhazy. Tout le temps, avant de s’aller terrer à Rambouillet, il leur répéta qu’ils s’étaient discrédités devant l’Europe ; que « leurs généraux », après s’être si lourdement trompés sur Picquart et sur

  1. Voir p. 170.