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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/180

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Dreyfus, devraient s’estimer heureux qu’on les mît seulement « au rancart » ; et que, pour lui, il désirait avant tout « un gouvernement énergique, fût-il composé de gens qui souhaitaient de fusiller le fusilleur de 1871[1] ».

Waldeck-Rousseau, avec l’acceptation de Galliffet, commença ses démarches, confiant au début de la journée, puis, arrêté par l’obstacle le plus inattendu, le ministère Dupuy, qui aurait dû se croire mort entre les morts, mais à qui l’illusion était venue qu’il allait ressusciter ; enfin, si découragé vers le soir qu’il rendit son mandat, sans esprit de retour, cependant avec l’angoisse de passer la main à l’inconnu. (19 juin.)

La sagesse politique, durant cette nouvelle journée des dupes, fut du côté des socialistes. Ils virent fort bien deux choses : d’abord, que la crise, en se prolongeant, accroissait tant de périls dont ils seraient les premières victimes ; en second lieu, qu’en ne marchandant pas leur aide à Waldeck-Rousseau, quels que fussent les hommes dont il s’entourât, le socialisme aurait la part la plus large au succès final et qu’ainsi, « à force de sauver la République, il la ferait sienne[2] ».

Waldeck-Rousseau, lui aussi, entrevoyait ces conséquences de la sagesse des socialistes et déjà s’en inquiétait[3] ; mais, en même temps, il était touché de la confiance personnelle qu’ils lui témoignaient après tant de coups qu’il leur avait portés, quand il travaillait, contre Bourgeois et sous Méline, à fonder dans la République un parti tory. Il y avait beaucoup de poli-

  1. « Fusilleur bien exagéré, mais la légende est établie et j’ai pensé qu’il serait d’un goût médiocre d’en fuir les responsabilités. Nous sommes d’ailleurs en pleine vaseline… » (Lettre à X…)
  2. Jaurès, dans la Petite République du 19 juin 1899.
  3. Voir p. 171, note 2.