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DÉFENSE RÉPUBLICAINE


jours les garanties des accusés ordinaires, qui n’ont pas à lutter contre un monde de fureurs et de fraudes. — Mais, sur l’heure, aucun de ces reproches ne fut formulé, parce que la peur de trop faire, et trop tôt, s’imposait alors aux politiques les plus fermes comme aux moins experts, et que les plus impatients des revisionnistes ne demandaient encore à Waldeck-Rousseau que de vivre. Leurs exigences ne croîtront qu’avec la sécurité retrouvée. Ce grand changement d’un ministère qui n’était le complice ni de l’émeute ni de l’injustice, leur suffisait. Ils sentirent d’instinct que tout embarras qu’ils lui créeraient se retournerait contre eux, qu’il devait promettre seulement « la loi, rien que la loi pour tout le monde », et que, s’il découvrait, s’il ne cachait pas sa profonde pensée : l’acquittement de Dreyfus, tout croulait.

On le vit bien, à la séance du 26, où treize voix déplacées eussent rouvert la crise, malgré toute la prudence qu’on avait montrée et tant d’honorables efforts de Poincaré et de Brisson, depuis quatre jours, pour calmer et ramener leurs amis. Jusqu’à la fin de la journée, les plus vieux parlementaires crurent Waldeck-Rousseau à bas.

Lui-même s’y attendait, averti qu’on ne le laisserait pas parler et que Galliffet serait hué.

Le tumulte, les hurlements d’animaux[1] commencèrent avant même que la séance fût ouverte. Quand Galliffet parut dans la salle, les révolutionnaires et les anciens boulangistes l’accueillirent par une furieuse clameur : « Assassin ! Massacreur ! Vive la Commune ! » Habitué, comme à ses vieilles blessures, aux haines qui

  1. « Des hurlements d’hyènes. » (Clemenceau, dans l’Aurore du 27 juin 1899.)