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DÉFENSE RÉPUBLICAINE


assemblée n’en eut été capable, tant que les institutions étaient menacées, que la rue et la caserne étaient troublées, que le pays, dévoyé, ne serait pas rentré dans sa vie normale. Mais l’ordre ne pouvait être rétabli que par l’exécutif, comme une maison effondrée ne peut être reconstruite que par un architecte et par des maçons.

Les interpellateurs (Ernest Roche et Mirman) se gardèrent bien de contester cette politique qu’ils avaient réclamée eux mêmes, mais seulement pour renverser Dupuy ; leurs discours, deux heures durant, traînèrent dans l’outrage. Toute la poche à fiel de Mirman creva, se vida. Il est prêt à soutenir de son vote des hommes « dont les convictions ne seraient pas identiques aux siennes », mais à condition que ce soient d’honnêtes gens ; pour ceux qui ont eu l’audace de s’installer au pouvoir, il les faut chasser « de la famille républicaine » : Lanessan, « complice d’un escroc » ; Galliffet, « au sabre rougi de sang républicain jusqu’à la garde » et « le client de l’homme qui a été le plus néfaste au pays, Joseph Reinach » ; Waldeck-Rousseau, avocat ou patron « de tous les crapuleux officiants des saturnales financières » ; tous, « des fripons ou des meurtriers ».

On pouvait remonter au plus loin dans les annales des Chambres sans y trouver un exemple de ministres qui eussent été reçus ainsi. Ceux des républicains qui étaient décidés à voter pour eux se taisaient.

Ce silence, qui ressemblait à de la honte ou à de la peur, était plus dur, plus accablant que les pires outrages, et il encouragea fort les gens du Centre, les amis de Méline et de Ribot, qui, voyant déjà le ministère culbuté, négociaient à gauche, avec Sarrien et Chautemps, quand Viviani, enfin, posa la vraie ques-