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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/276

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


se concertera avec les autres témoins à charge et d’où les officiers d’ordonnance des deux généraux rennais porteront ses propos au cercle militaire[1] ; les membres du conseil de guerre continuaient à y fréquenter, d’ordinaire silencieux, mais d’autant moins sourds.

Mercier, qui avait naturellement le ton et l’allure du commandement, se fit par surcroît un air imperturbable et invaincu qui servait de masque à ses inquiétudes et ajouta à son prestige sur tous ces gens habitués à obéir. Du premier jour, les autres anciens ministres et tous les chefs militaires (en disponibilité ou encore en activité, Roget comme Boisdeffre ou Gonse) s’empressèrent autour de lui. À peine arrivé, il se présenta chez le colonel Jouaust, qui n’osa pas lui fermer sa porte ; il avait avec lui ses deux fils, bien que Galliffet eût interdit le séjour de Rennes, pendant toute la durée du procès, aux officiers étrangers à la garnison.

Au contraire, dans le camp revisionniste, rien qui ressemblât à une hiérarchie. Non seulement on allait poursuivre le combat dans l’ordre dispersé, mais le désaccord s’élargissait entre Demange et Labori. Mathieu, qui n’eût voulu ni diminuer ni enfler le procès, va employer le meilleur de sa diplomatie, son sens droit des choses, son expérience douloureuse des hommes, à enrayer les conséquences de l’erreur d’avoir accepté de diviser la défense de son frère. Labori, depuis sa

  1. Le 3 août 1899, à la veille du procès, le général Lucas adressa une « note de service » au directeur de l’Avenir, le seul journal revisionniste de Rennes, « pour l’inviter à cesser immédiatement le service de sa feuille au cercle militaire ». Cette décision avait été provoquée par une pétition des officiers du cercle ; ils alléguaient un article où Napoléon était traité d’Esterhazy chanceux ».