Aller au contenu

Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
RENNES


première discussion avec Demange, se répandait en propos tumultueux ou calculés sur « les errements du procès de 1894 », le danger « de perdre encore une fois la partie par pusillanimité » et la duperie de ne pas attaquer, dans le vain espoir « d’obtenir un acquittement de bienveillance[1] ». Demange, sans plus ressentir ce qu’il y avait d’hostilité à son endroit dans ces discours que ce qu’ils contenaient de vérité, persistait à conseiller beaucoup de ménagements, ne voyait dans le procès de Dreyfus que Dreyfus. Pour les principaux artisans de la revision, ce n’étaient pas des chefs : les uns n’en avaient pas l’étoffe ; les autres (Trarieux, Picquart) ne furent sollicités à aucun moment de prendre une apparence de direction ; — « ce qui frappe dans cette singulière armée, écrira Chevrillon[2], c’est que les grades y sont abolis » ; — enfin, Scheurer se mourait à Luchon, et Zola, Clemenceau et moi avions décidé de ne pas aller à Rennes « pour éviter des occasions de passion et de trouble[3] ». Dès lors, on allait beaucoup s’agiter, beaucoup discourir, tantôt s’illusionnant, tantôt se décourageant, surtout à l’Auberge des Trois Marches, où l’on se réunissait pour les repas, presque en face de la maison du général de Saint-Germain, et chez les deux professeurs rennais, Aubry et Basch, qui luttaient depuis deux ans contre presque toute la ville et la connaissaient bien. Mais on laissera faire le hasard et Mercier.

  1. Labori, Journal du 13 décembre 1901 : « Il paraissait convenable, non de dire toute la vérité et de provoquer, de la part de tous, de complètes explications, comme je l’ai toujours voulu du premier jour au dernier, mais de ménager tout le monde pour obtenir ce que j’appellerai… etc. »
  2. Chevrillon, Huit jours à Rennes.
  3. Zola. La Vérité en marche, 148.