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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


annoté, il se borna à déclarer qu’il versait aux débats toutes les pièces relatives à l’Affaire, sans aucune exception ; — il ne savait rien, en effet, de celles qui avaient été dissimulées par les successeurs d’Henry au bureau des renseignements, parce qu’elles étaient favorables à Dreyfus ; — et il communiqua toutes celles qu’il avait aux avocats comme aux juges, sauf un lot de cartes-télégrammes de cette amie de Schwarzkoppen qui avait écrit le petit bleu, mais personne n’insista pour les voir.

D’Esterhazy, comme à la première audience publique, il fut à peine question. Demange eut l’impression que la plupart des juges le tenaient pour un agent du « Syndicat[1] ».

À la dernière audience, Chamoin donna lecture des lettres que Dreyfus avait écrites à Boisdeffre de l’île du Diable et, tout soldat qu’il fût et de nature peu sentimentale, sa voix trembla, pendant que les juges, non moins émus, affectaient d’examiner le graphisme de ces feuilles tragiques. Dreyfus seul parut rester impassible. La séance levée, le général ne put se tenir de

  1. Lettre de Mathieu Dreyfus, du 9 août 1899 : « Ils croient qu’Esterhazy est notre homme de paille, qu’il a joué un rôle, convenu d’avance avec le Syndicat, et que Picquart a été placé dans ce but au bureau des renseignements… Hier, pendant le dépouillement du dossier secret, on lut le rapport de Sandherr (sur la visite que Mathieu et Léon Dreyfus lui avaient faite en 1894) ; quand on arriva au passage où je disais que j’arriverais à découvrir la vérité et à cette réponse de Sandherr : « Pour cela il faudrait que vous eussiez l’autorisation de vous installer au ministère de la Guerre, que tous les officiers du bureau fussent mis à votre disposition… », Jouaust et Brogniart se tournèrent l’un vers l’autre, en faisant un geste d’intelligence : et il a semblé à Demange qu’ils avaient dû voir dans cette phrase le germe de l’idée que j’aurais mise plus tard à exécution, l’installation d’un homme à moi à l’État-Major : Picquart… »