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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/400

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


qu’il leur aurait tenus, des indices qu’il amenait des étrangers dans les bureaux de l’État-Major, alors qu’il avait le secret de toutes les armoires, et des raisons convaincantes de suspecter une science « qui allait jusqu’à dessiner la concentration sur une carte quelconque du réseau de l’Est[1] ». Et c’est chose si honorable et qu’on espère si profitable d’accuser Dreyfus qu’un officier qui n’avait pas été cité, son ancien camarade à l’École de guerre, s’offre pour déposer

  1. Rennes, I, 542, Gonse : « Le garde républicain Ferret a trouvé Dreyfus dans le bureau du commandant Bertin. Il avait étalé sur une table le journal de mobilisation du réseau de l’Est, les graphiques étaient ouverts… Un individu en civil était dans un coin… Dreyfus a pâli. » — Le témoin Ferret, déjà signalé par Mercier, est entendu ; Jouaust lui demande pourquoi il n’a rien dit en 1894 ; Ferret : « Je n’avais pas à accuser mes chefs. » (II, 32). — Dreyfus traite Ferret d’imposteur ; Gonse, pressé, convient « qu’il est difficile » d’introduire un étranger au ministère ; cependant, « ce n’est pas impossible ». — I, 579, d’Aboville : « Le colonel Sandherr me raconta un jour (il n’est plus là pour le dire, et c’est pourquoi je le fais) que Dreyfus lui avait posé à plusieurs reprises des questions indiscrètes : « Comment faites-vous pour entretenir vos relations avec l’étranger ? » Sandherr lui répondit : « Ça ne vous regarde pas. » Dénégation de Dreyfus : « Je connaissais si peu Sandherr qu’un jour, rentrant au bureau, il m’a salué d’un nom qui n’était pas le mien. » — II, 37, Bertin : « Dreyfus interrogeait beaucoup, s’attachant plus au résultat de nos études qu’à nos procédés de travail, se complaisait dans l’étude de nos dossiers les plus secrets… Je racontais un jour qu’au cours d’une mission dans les Vosges, j’avais poussé jusqu’à la ligne frontière, cette frontière tracée sur mon sol natal avec, de chaque côté, un Dieu des armées différent. Je fus interrompu par Dreyfus : « Mais cela ne pourrait pas être pour nous autres juifs ; partout où nous sommes, notre Dieu est avec nous. » J’éprouvai un profond malaise. » — Sur les connaissances « suspectes » de Dreyfus, Fabre (I, 570), Junck (I, 638, 640) : sur ses questions indiscrètes, Boullenger (II, 74), Maistre (II, 85), Roy (II, 92), Dervieu (II, 94) ; sur ses habitudes de jeu et ses maîtresses, Gribelin (I, 587), Gendron (II, 68). — Le commandant Jeannel dépose qu’il a prêté le manuel de tir à Dreyfus,