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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Même unanimité, à peine moins violente, contre Picquart. Racontant pour la dixième fois son rôle dans l’Affaire[1], — un peu longuement, parce que l’art des raccourcis lui fait défaut, — il a atteint vraiment à la perfection du discours narratif, qui est d’être une preuve rien que par l’enchaînement, l’évolution logique, ordonnée, des faits clairement et prudemment exposés ; il n’affirme qu’à bon escient, « doute avec art[2] », ce qui n’est pas la moins bonne manière de convaincre. Jamais plus de lumière ne s’est dégagée du récit de ses conflits avec lui-même et avec ses chefs ; son tir rectifié vise enfin Henry[3] sans épargner Du Paty[4] ; sa discussion des pièces secrètes est un chef-d’œuvre de probité et de bon sens. D’autant plus, Roget, Gonse, surtout Junck et Lauth, s’acharnent à discréditer son témoignage. Après avoir repris toutes les vieilles histoires

    la même, va se cristalliser dans les cerveaux des membres du conseil de guerre. » (Lettre de Mathieu Dreyfus, du 16 août 1899.)

  1. Rennes, I, 363 à 475.
  2. Écho du 19 août.
  3. Rennes, 1, 475, Picquart : « Si c’est la personne du système de 1893 (Brücker) qui a continué à marcher en 1894, le bordereau ne pouvait pas passer inaperçu. Le commandant Henry ne pouvait pas le faire disparaître, parce que la personne qui l’avait apporté en connaissait parfaitement la valeur, la signification, et avait le plus grand intérêt, à ce moment-là, à se mettre en relief… etc. » — De même Bertulus : « Le bordereau est arrivé à Henry dans des conditions qui lui interdisaient de le détourner… Henry devait savoir que le bordereau avait été fait par Esterhazy. » (I, 359 et 353.) — Cordier (II, 502) : « Il m’est resté dans l’idée que Brücker a dû s’en occuper » (des affaires de l’ambassade d’Allemagne) — Le Times du 10 août avait affirmé à nouveau, dans une note d’allure officieuse, la complicité d’Esterhazy et d’Henry.
  4. « On avait intérêt à ce que ce soit au 2e bureau qu’il y eût un traître. Mais qui avait intérêt à cela ? Du Paty, puisque, si le traître avait été au 2e bureau au moment où il livrait la note sur Madagascar ou sur les troupes de couverture, ce n’était plus dans la section de Du Paty que l’on faisait des recher-