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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


d’avril, mais d’août ou de septembre. En effet, les stagiaires de 94, dont il était, ont été informés en mai, par une circulaire de Boisdeffre lui-même qu’ils n’iraient pas aux manœuvres, et, dès lors, Dreyfus, trois mois plus tard, n’a pas pu écrire la dernière phrase du bordereau. Coup droit et vigoureusement porté. Aussitôt Mercier, Roget, Boisdeffre de se ruer sur l’ancien officier, d’arguer que les stagiaires avaient gardé l’espoir qu’ils iraient aux manœuvres, que plusieurs l’avaient demandé, que « la possibilité qu’ils pouvaient y aller[1] » suffisait à maintenir l’attribution du bordereau à Dreyfus. Mais Dreyfus a-t-il demandé à aller aux manœuvres ? Roget lui-même dut convenir « qu’on n’en avait trouvé aucune trace[2] ».

Ainsi, depuis huit jours, la balance penchait vers l’acquittement ; à chaque audience, le plateau des faits, des certitudes, s’alourdissait ; sur l’autre plateau, les possibilités[3], les non-impossibilités (il n’est pas impossible que Dreyfus…), les charges contradictoires, les mensonges, fondaient à vue d’œil, s’évaporaient.

XXIII

Le dimanche 3 septembre, Cernuski, au débotté, se rendit successivement chez Roget, chez Mercier et chez Cavaignac, leur conta son histoire[4]. Tous les

  1. Rennes, III, 297, Boisdeffre.
  2. Ibid., 307, Roget.
  3. Ce que Chevrillon appelle « les possibilités fantômes ».
  4. Il était descendu, avec les deux négociants, au Grand-Hôtel ; un prétendu colonel Abriac y arriva le même jour. Cernuski « occupa une petite chambre des plus modestes au troisième étage, ne paraissait pas riche et ne fit pas beaucoup de