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RENNES


trois, au dire des deux négociants qui l’accompagnaient, parurent surpris, lui firent la même réponse, Roget froidement, Mercier, surtout Cavaignac, « avec des formes plus polies » : « Je ne vous connais pas, vous êtes étranger, vous ferez ce que vous voudrez, je ne veux intervenir en rien, je ne veux être mêlé en rien à ce que vous pouvez faire[1]. »

Il n’y avait qu’une chose à lui dire : « Vous êtes un imposteur ou un fou… », à appeler les gendarmes ou un médecin aliéniste. Mais ils espéraient gagner à son jeu sans y mettre.

Cernuski alla alors chez Carrière, « qui commença par ne pas vouloir le recevoir », puis, dès qu’il l’eut entendu, lui dit de se trouver le lendemain au conseil de guerre où il saurait la décision de Jouaust, et, à tout événement, de « préparer sa déposition[2] ».

Ces dimanches de Rennes étaient interminables. Beaucoup de témoins partaient dès la veille pour la campagne, la plage voisine de Dinard. Ceux qui restaient et les journalistes rôdaient par les rues, en quête de nouvelles. Ils surent que les généraux s’étaient réunis, avaient longuement délibéré[3]. Le lundi, avant l’audience, on vit Roget en grande conversation avec un inconnu, un homme jeune, d’une trentaine d’années, d’aspect chétif, une figure fine au teint mat, les cheveux d’un blond pâle, une petite moustache sur « des lèvres démesurées », avec des restes d’élégance, l’air las, usé, du joueur. Roget, semblait-il, lui faisait la

    dépenses ». (Dép. de la femme Rogean, patronne de l’hôtel, par commission rogatoire du 8 avril 1904.) Il dépensa 10 francs par jour, dont 5 pour sa chambre. (3-8 septembre 1899.)

  1. Procès Dautriche, 602, Montéran ; 663, Deglas.
  2. Ibid.
  3. Jaurès, Cornély (Petite République et Figaro du 6 septembre 1899), etc.