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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


procureur général dans l’affaire du complot et rendrait ce jour-là son premier arrêt (sur l’instruction qu’elle aurait à faire elle-même). La grâce, dans huit jours, sera encore une réponse très claire au verdict de Rennes, mais elle ne paraîtra pas dictée par la colère, et il y aurait intérêt à laisser nouer le procès des royalistes et des césariens.

Waldeck-Rousseau combattit cette opinion par les raisons qui avaient décidé les amis de Dreyfus à accepter sa grâce, et Galliffet insista après lui, presse qu’il était d’en finir et répondant que l’armée ne broncherait pas ; mais il avait déjà répondu que Dreyfus serait acquitté. Au contraire, Delcassé appuya Loubet qui tint bon.

Millerand fut ainsi amené à raconter comment il avait engagé sa parole d’honneur à Mathieu Dreyfus que, si la grâce n’était pas immédiatement signée, il donnerait sa démission. Apparemment, comme Loubet le lui fait observer, il a eu tort, puisque la grâce est une prérogative du chef de l’État ; mais il n’a qu’une parole ; si le Président persiste dans son refus, il n’a, lui, qu’à se retirer.

Waldeck-Rousseau, puis Galliffet, se tenant pour également engagés, en raison des assurances qu’ils avaient données à Millerand, déclarèrent que sa démission entraînerait la leur.

Une telle crise, si inattendue, presque impossible à justifier devant l’opinion, au lendemain de la défaite de Rennes et à la veille de la réunion de la Haute Cour, eût été désastreuse. Loubet, les autres ministres pressèrent Millerand. Il consentit à en référer à Mathieu : il va le prier de rentrer d’urgence, lui fera part des objections de Loubet à la grâce immédiate, lui affirmera, s’il y est autorisé, que le décret sera signé le 19, et le frère de