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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/94

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Les adversaires de la Revision, malgré le terrain perdu, avaient encore de la provision dans les passions des catholiques et des nationalistes. Cuignet, pour rattacher la démission de Freycinet à son différend avec Delcassé, porta la copie qu’il avait prise de leurs lettres au député Lasies et au juge Grosjean, l’ancien compère de Quesnay, qui avait été frappé d’une suspension de deux mois, pour ses bavardages, par la Cour de cassation[1]. Le député du Gers amorça l’affaire à la tribune. Comme Dupuy venait de répondre avec la belle humeur de ses bons jours à une interpellation lourdaude de Berry sur le départ de Freycinet, — « que c’était une singulière prétention d’un homme comme Berry, bien qu’autorisé en toutes matières, de savoir mieux les causes de la démission de Freycinet que Freycinet lui-même », — Lasies, en guise de réplique, raconta la querelle des deux ministres, à propos de la dépêche de Panizzardi. Bien que Delcassé ne fut pas présent à la séance, il l’insulta : « Ce ministre dont la politique extérieure consiste à avoir des joues qui ne rougissent pas sous les soufflets[2]. » Puis Judet publia quelques passages, adroitement découpés, des lettres que l’on connaît et qui lui avaient été remises par Grosjean (12 mai).

Comme Cuignet était « le seul officier ou fonctionnaire de l’entourage de Freycinet qui avait eu connaissance de cette correspondance, dont les minutes lui avaient été confiées[3] », Krantz sut aussitôt d’où venait l’indiscrétion. Mais Cuignet ne lui laissa pas le loisir de le faire chercher et lui porta lui-même sa con-

  1. 6 mars 1899.
  2. Séance du 8 mai. — Deschanel lui fit appliquer la censure.
  3. Séance du 12 mai, discours de Krantz.