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CHAMBRES RÉUNIES


fession[1]. Il ne restait plus à Krantz qu’à le frapper, ce qu’il fit aussitôt, en le mettant en disponibilité par retrait d’emploi.

Les partis, surtout dans les assemblées, quand ils ont obliqué dans une voie nouvelle et sont arrivés à un certain point, continuent, pendant quelque temps, à aller de l’avant. Cette vilaine histoire allait donc servir Dupuy, qui ne pouvait plus avoir de majorité qu’avec les revisionnistes, après avoir vécu pendant sept mois de l’appoint de la Droite. Déjà, l’autre jour, il avait dit à Berry, à propos du nouveau ministre Monestier, que « la loi de dessaisissement n’était pas le pivot de sa politique ». La promptitude du châtiment de Cuignet lui donnait l’apparence d’être devenu le ministre de la Revision et lui assura une facile victoire pour son ministère reconstitué.

Krantz et Delcassé, s’étant fait interpeller par Viviani[2], racontèrent, chacun en ce qui le concernait, les diverses phases de cette histoire, le nouveau ministre de la Guerre sur un ton d’autorité qui fit illusion et celui des Affaires Étrangères avec une colère à peine contenue qui lui donnait l’air crêté d’un coq de bataille. Traité par Firmin Faure d’agent du Syndicat, il ne s’en indigna point, comme avait fait Jaurès, quand Bernis, à l’époque du procès de Zola, lui lança la même imputation ; mais, — tant les choses, les hommes et le temps avaient marché, — il répliqua « qu’il y a des injures qui honorent et qu’on ne l’en accablerait jamais assez ». Il lut en entier les lettres de Freycinet et les siennes, le procès-verbal, signé de Cuignet, qui constatait l’exactitude de la traduction offi-

  1. Discours de Krantz. — Lebret déféra à nouveau Grosjean à la Cour de cassation (16 mai 1899).
  2. 12 mai.