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qu’il acheve la conquête de l’Asie. Qu’on ne dise pas qu’il a triomphé de multitudes sans courage : ses adversaires pouvaient avoir moins d’habileté militaire ; mais Darius et les Persans étaient braves, et c’était quelque chose dans un tems où la vaillance, presque seule, décidait du destin des batailles. Les Scythes, les Bactriens, les Indiens lui opposèrent une longue résistance ; enfin dans toutes ses batailles contre Darius, Alexandre eut toujours en tête 40,000 Grecs aussi expérimentés que ses Macédoniens, et animés par toute la haine qu’ils pouvaient avoir contre un compatriote, qu’ils regardaient comme l’oppresseur de leur patrie. À peine hors de la jeunesse, au milieu des factions, il soumet au joug des républiques guerrières et jalouses de leur liberté ; il abandonne l’Europe ; d’innombrables nations reconnaissent ses lois ; rien ne l’arrête, ni les sables de la Libye, ni les neiges de la Scythie. Que sont les campagnes des tems modernes, auprès de ces immenses courses militaires ? partout il laisse d’admirables preuves de son génie ; il ne renverse pas, il fonde un nouvel empire. Les plus hautes montagnes du monde sont d’impuissantes barrières pour ses ennemis : les sommets glacés de l’Imaüs s’abaissent et s’ouvrent devant lui ; nos géographes ne savent où le suivre dans ses courses lointaines. Tranquille dominateur de l’Asie, plus grand encore par son génie que par son épée, méditant de plus vastes projets que tous ceux qu’il avait achevés, il meurt à Babylone dont il voulait faire la capitale du monde : l’univers se taisait devant lui, et il n’avait pas trente deux ans ! L’armée