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CARACTÈRE DE L ESPÈCE. 331

l'abandon de l'état de nature pour la culture de notre espèce, dont la conséquence a été l'affaiblissement de nos forces ; 2° de la civilisation, qui a été le principe de l'inégalité et de l'oppression réciproque ; 3° d'une prétendue moralisation qui a donné naissance à une éducation contre nature, à une façon de penser vicieuse ; ces trois écrits, dis-je, qui peignaient l'état de nature comme un état d'innocence (auquel le gardien de la porte du paradis, armé de son glaive de feu, empêche de revenir), ne devaient servir que de fil conducteur à son Contrat social, à son Emile et à son Vicaire Savoyard, pour sortir du labyrinthe de maux où notre espèce se trouvait engagée par sa propre faute. — Au fond, Rousseau n'entendait pas que l'homme dût retourner à l'état de nature, mais il devait, du point où il se trouve maintenant, porter ses regards en arrière. Il admettait que l'homme est bon par nature (tel que la nature le transmet d'une génération à une autre), mais d'une bonté négative; c'est-à-dire qu'il n'est pas de lui-même et volontairement méchant, mais qu'il est seulement en danger d'être infecté et corrompu par les mauvais exemples ou par des conducteurs pervers ou maladroits. Mais comme il faudrait, pour sortir de là, des hommes bons qui auraient été formés dans ce but, et qu'il n'y en aura pas qui ne soient atteints d'une corruption (innée ou contractée), le problème de l'éducation morale de notre espèce reste insoluble, non seulement quant au degré, mais quant à la qualité du principe; un mauvais penchant qui lui est naturel peut bien être blâmé, contenu même par la.