Page:Kant - Anthropologie.djvu/426

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et l'on trouve, avec la correspondance secrète de Hollande, les quittances qui justifiaient de rentier paiement de la somme réclamée.

Le troisième récit est de telle nature qu’il est plus facile d’en savoir la vérité ou la fausseté. C’était, si je suis bien renseigné, vers la fin de 1759[1], que M. Swedenborg revenant de l’Angleterre, débarquait une après-dinée à Gothenburg. Il fut invité le même soir à une réunion chez un marchand de l’endroit, et peu de temps après son arrivée, il y raconte d’un air troublé, qu’au même moment un grand incendie éclatait à Stockholm. Au bout de quelques heures, pendant lesquelles il était allé de côté et d’autre, il rejoint la compagnie et lui apprend que le feu avait fait des progrès, et jusqu’où même il était allé. Ce soir même cette prodigieuse nouvelle se répandit, et toute la ville la connut le lendemain matin ; mais ce ne fut que deux jours après qu’on en reçut la confirmation de Stockholm à Gothenburg ; elle se trouva, dit-on, parfaitement d’accord avec la vision de M. Swedenborg.

On me demandera sans doute ce qui a pu me porter à me charger du rôle indigne de répandre un peu plus des fables qu’un esprit raisonnable hésite à écouter avec patience, et même d’en faire un texte de recherches philosophiques. Mais comme la philosophie que nous venons d’exposer est aussi une fable tirée du pays de Cocagne de la métaphysique, je n’ai rien vu qui ne méritât de les faire marcher les deux ensemble ; et pourquoi serait-il plus glorieux de se laisser tomper par l’aveugle confiance aux prétendus arguments de la raison qu’à une croyance téméraire à des récits trompeurs ?

Les limites de la folie et de la saine raison sont si mal indiquées, que l’on avance difficilement un peu loin dans l’un de ces domaines sans mettre parfois le pied sur l’autre. Mais quant à la confiance qui se laisse persuader d’accorder parfois

  1. Sur la détermination chronologique de ces récits, voir mon observation au n° 1, relatif à Swedenborg. — Sch.