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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/134

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de ne pas développer l’imagination de l’enfant au détriment de la raison et de n’encourager par là aucune croyance absurde, aucune superstition. Elle aurait également désiré inculquer à la fillette de bonnes manières, développer son goût, lui enseigner les beaux-arts, en un mot, en faire une jeune fille vraiment instruite, pleine de cette réserve et de ce tact qui sont le propre des personnes de leur classe. Dans son admiration pour l’Émile de Rousseau, la grand’mère ne voulait pas qu’on entravât, d’aucune façon, les jeux des enfants ou leur liberté en général, mais il lui déplaisait de voir grandir la petite Aurore comme une espèce de sauvageon de village ou comme une petite bourgeoise de Paris, à l’instar de Sophie-Antoinette qui était à moitié lettrée et ne s’occupait que d’intérêts mesquins, de chiffons, qui était pleine de préjugés, bourgeoisement vaniteuse et vantarde[1]. La grand’mère trouvait aussi que les vêtements des enfants devaient être simples, larges et commodes ; de ses anciennes douillettes elle confectionnait à sa petite fille d’amples petites robes et lui laissait flotter les cheveux sur les épaules. Sophie-Antoinette tenait à affubler sa fille conformément à la mode de l’Empire, la taille sous les aisselles, Les jupes collantes, et n’était contente que lorsqu’elle avait coiffé Aurore à la

  1. Nous avons eu entre les mains des Lettres de Sophie à sa fille et à son gendre Dudevant. Dans une de ces lettres elle demande, après s’être brouillée un jour avec eux et les avoir brusquement quittés, qu’on lui adresse son courrier à tel endroit au nom de : « Madame de Nohan-Dupin » (sic). Elle prétend que ce titre n’appartient qu’à elle seule et que tout le monde sait qui elle est. Ces prétentions se rencontrent à chaque pas dans ses lettres. Mais dans l’Histoire de ma Vie, commencée en 1847, George Sand fait tous ses efforts pour représenter Sophie-Antoinette comme une femme du peuple n’ayant que des opinions démocratiques — ce qui n’est pas tout à fait conforme à la vérité. Cette petite grisette frivole, comme beaucoup de ses semblables, tenait souvent à passer pour une vraie dame de qualité, mais cela ne lui réussissait guère.