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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/200

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élèves, grandes et petites, ne formèrent plus qu’une seule famille amicale dont Aurore était le centre. En très peu de temps elle recouvra la santé, le calme de l’esprit et sa foi sereine. Elle ne s’épuisa plus en prières ascétiques et sut trouver dans l’affection et la société de ses amies cette tranquillité et cet équilibre d’âme, qui lui rendit le bonheur de la prière confiante. Jamais, selon elle, elle ne s’était sentie si heureuse, si aimée, parce que, ajoute-t-elle, « il est facile d’être parfaitement aimable quand on se sent parfaitement heureux[1] ». George Sand se rencontre ainsi avec Léon Tolstoï, qui fait dire à Natacha Rostow : « Elle avait atteint ce suprême bonheur où l’homme devient tout à fait bon et aimable[2]. »

Bientôt Aurore introduisit un nouveau genre d’amusement au couvent, celui-là même qu’elle avait déjà pratiqué à La Châtre chez les Duvernet et pour lequel elle avait une prédilection qui trahissait en elle la petite fille de l’actrice Mlle de Verrières et la fille de Maurice et de Sophie Dupin, dont l’un avait joué dans des spectacles d’amateurs, et l’autre sur les tréteaux. Ce qu’elle imagina, ce n’était ni plus ni moins que de jouer la comédie au couvent. Cela commença par des charades et des représentations mimiques avec travestissements. Puis, ce furent des scènes improvisées que les pensionnaires jouaient sur des scénarios arrêtés d’avance. Enfin, Aurore se risqua à jouer avec sa troupe ni plus ni moins que le Malade imaginaire de Molière. Voilà comment cela se passa : la supérieure, Mme Canning, aimait assez à assister aux spectacles donnés parfois au couvent. Elle avait beaucoup entendu

  1. Histoire de ma Vie, vol, III, p. 236.
  2. La Guerre et la Paix, 3e partie, ch. xvii.