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l’ordre dans la gestion du domaine, administré d’une manière assez décousue et relâchée par Deschartres, qui avait toujours eu en tête toutes sortes de projets fantastiques et perdait de vue les choses les plus essentielles. Dudevant déploya, dans les premiers temps, une grande activité et beaucoup d’énergie. Il défrichait les champs et les prés négligés, mettait la maison en ordre, faisait nettoyer et planter le jardin, travaillant minutieusement à rétablir l’ordre au dedans comme au dehors de la maison. C’est alors que se manifesta, d’abord assez confusément, le désaccord qui régnait entre les deux époux. Leurs natures étaient trop différentes. Dudevant, comme Aurore le dit plus tard en définissant elle-même son mari dans une lettre inédite qu’elle lui écrivit en 1825, aimait l’économie rurale, mais aimait peu les descriptions champêtres. Aurore aimait la nature agreste, la littérature, l’art… Comme toute nature vraiment poétique, elle tenait aux coins ombragés et délaissés du jardin, aux vieilles choses de la maison, elle était attachée aux anciens souvenirs de la famille, aux vieux animaux domestiques. Quand disparurent ces coins sauvages, les vieux chiens pelés qui lui étaient dévoués, les vieux paons qui se faisaient impunément les maîtres du jardin, quand dans les champs et la maison elle vit installé un ordre modèle, il sembla à Aurore qu’on lui avait enlevé quelque chose, que le vieux Nohant n’était plus le même ; il survint en elle des accès de chagrin incompréhensibles pour elle-même comme pour Casimir. Elle devint nerveuse, elle pleura sans raison. Ni elle ni son mari ne comprirent que cela était dû

    clopédique, 1er septembre 1893. aurore dit que « jadis elle tirait l’aiguille avec des façons de savetier, mais que depuis elle avait acquis dans la partie des boutonnières et des dessous de pied de guêtres ».