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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/277

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questions scrutatrices. Après sa mort, elle se sentit plus orpheline encore qu’auparavant ; elle le pleura amèrement, cachant ses larmes à tout le monde pour ne pas offenser ceux qu’il avait fait souffrir pendant sa vie : sa mère et son frère Hippolyte.

La vie commençait à se montrer à Aurore sous son côté le plus sombre. Des dissentiments s’étaient élevés entre elle et son mari. Quoique, à cette époque, « les mauvais traitements fussent encore plus rares que les mauvais procédés[1] » — comme le dit plus tard Michel de Bourges — son mari lui jetait déjà à la face les épithètes de « stupide » et d’ « idiote » et lui avait ôté le droit de prendre part à la conversation. « M. Dudevant, il faut l’avouer, n’avait pas le talent de divination, » ajouta malicieusement Michel de Bourges. En vérité, se figurer George Sand se taisant dans une conversation générale, parce que M. Dudevant daignait trouver que tout ce qu’elle disait était idiot et indigne de se faire entendre en présence d’un seigneur et maître aussi docte que lui, est d’un effet incroyablement comique ! Mais Aurore n’avait pas lieu d’en rire. Elle devait constamment être sur ses gardes pour ne pas irriter son mari, pour ne pas le faire sortir des gonds. Sa santé était, du reste, très mauvaise alors. Elle avait des palpitations de cœur, souffrait de maux de tête et d’esquinancies, toussait très fortement, crachait le sang. On sut plus tard que tout cela était plutôt nerveux, mais alors Aurore et tous ses proches pensaient qu’elle était phtisique. Lorsque ses amies Bazouin avec leur père et un vieil ami, M. Gaillard, vinrent la voir à Nohant au commencement de l’été de

  1. Plaidoyer de Michel de Bourges devant le tribunal de La Châtre, le 10 et 11 mai 1836. Le Droit, journal des tribunaux, n° 168, du 18 mai 1836.