Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/433

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seul le génie des poëtes. C’était une de ces âmes qui ne doivent rien au monde qui ne les connaît pas. Élevée aux champs qu’elle désertait pour la première fois un peu auparavant l’auteur avait dit qu’elle fût élevée par son aïeule), ses manières offraient un singulier mélange de hardiesse et de timidité ; (rappelons-nous les courses effrénées avec Zoé Leroy et même le célèbre : « Tu te singularises »), parfois même elles affectaient je ne sais quelle brusquerie pétulante qui venait d’une secrète inquiétude et d’une ardeur inoccupée, familière et presque virile (sic) ; son intimité était d’un facile accès ; mais sa fière chasteté et son instinctive noblesse mêlaient, au laisser-aller de toute sa personne, des airs de vierge et de duchesse qui contrastaient d’une façon étrange avec son mépris des convenances et son ignorance du monde, et si nulle ne savait mieux qu’elle encourager les sympathies, elle savait mieux que toute autre leur commander un saint respect…[1] »

Qui ne reconnaîtrait pas dans ce portrait la petite fille des ancêtres royaux, qui savait si bien faire sa grande dame, la mystique amie de de Sèze, l’élève de Deschartres et le brave petit camarade des Duvernet, Papet, Fleury et C° ?

« Tout révélait en elle une nature luxuriante qui s’agitait impatiemment sous le poids de ses richesses inactives. On eût dit que la vie circulait, frémissante, entre les boucles de son épaisse et noire chevelure, on sentait comme un feu caché sous cette peau brune, fine et transparente ; la taille était frêle, mais soutenue par une svelte et gracieuse audace. Son front net et pur disait bien que les orages de la passion n’avaient point grondé sur cette noble tête, mais l’expres-

  1. Marianna, p. 35-36.