Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La flagellation simple est si répandue que presque chaque prostituée est outillée pour cela. Les cas manifestes de masochisme sont aussi très fréquents. Les hommes atteints de cette perversion se soumettent aux tortures les plus raffinées. Avec des prostituées auxquelles on a fait la leçon, ils exécutent toujours la même comédie : l’homme se prosterne humblement ; il y a ensuite coups de pied, ordres impérieux, injures et menaces apprises par cœur, ensuite flagellation, coups sur les diverses parties du corps et toutes sortes de tortures, piqûres d’épingles jusqu’à faire saigner, etc. La scène se termine parfois par le coït, souvent par une éjaculation sans coït. Quelques prostituées m’ont montré, à deux reprises différentes, des chaînes en fer avec menottes que leurs clients se faisaient fabriquer pour être enchaînés, puis les pois secs sur lesquels ils se mettaient à genoux, les coussins hérissés d’aiguilles sur lesquels ils devaient s’asseoir sur un ordre de la femme, et bien d’autres objets analogues. Parfois l’homme pervers exige que la femme lui ligote le pénis pour lui causer des douleurs, qu’elle lui pique la verge avec des épingles, qu’elle lui donne des coups de canif ou qu’elle le frappe avec un bout de bois. D’autres se font légèrement égratigner avec la pointe d’un couteau ou d’un poignard, mais il faut qu’en même temps la femme les menace de mort.

Dans toutes ces scènes, la symbolique de la soumission est la principale chose. La femme est habituellement appelée la « maîtresse » (Herrin), l’homme l’« esclave ».

Dans toutes ces comédies exécutées avec des prostituées, scènes qui doivent paraître à l’homme normal comme une folie malpropre, le masochiste n’a qu’un maigre équivalent. J’ignore si les rêves masochistes peuvent se réaliser dans une liaison amoureuse.

Si par hasard un pareil fait se produit, il doit être bien rare, car un goût conforme chez la femme (sadisme féminin, comme le dépeint Sacher-Masoch) doit se rencontrer bien rarement. La manifestation d’une anomalie sexuelle chez la femme se bute à de plus grands obstacles, entre autres la pudeur, etc., que la manifestation d’une perversion chez l’homme. Moi-même je n’ai jamais remarqué la moindre avance faite par une femme dans ce sens, et je n’ai pu faire aucun essai d’une réalisation effective de mes imaginations. Une fois un homme m’a avoué confidentiellement sa perversion masochiste, et il a prétendu en même temps qu’il avait trouvé son idéal.