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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/32

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nos sociétés, jusque dans leurs racines, car, tant que les causes de la gangrène resteront, rien ne sera guéri.

Tant que nous aurons une caste d’oisifs, entretenue par notre travail, sous prétexte qu’ils sont nécessaires pour nous diriger, — ces oisifs seront toujours un foyer pestilentiel pour la moralité publique. L’homme oisif et abruti, qui toute sa vie est en quête de nouveaux plaisirs, celui chez lequel tout sentiment de solidarité avec les autres hommes est tué par les principes mêmes de son existence, et chez lequel les sentiments du plus vil égoïsme sont nourris par la pratique même de sa vie, — cet homme-là penchera toujours vers la sensualité la plus grossière : il avilira tout ce qui l’entoure. Avec son sac d’écus et ses instincts de brute, il prostituera femme et enfant ; il prostituera l’art, le théâtre, la presse, — il l’a déjà fait à présent, — il vendra son pays, il en vendra les défenseurs et, trop lâche pour massacrer lui-même, il fera massacrer l’élite de sa patrie, le jour où il aura peur de perdre son sac d’écus, l’unique source de ses jouissances.

Cela est inévitable et les écrits des moralistes n’y changeront rien. La peste est dans nos foyers, il faut en détruire la cause, et dussions-nous procéder par le feu et le fer, nous n’avons pas à hésiter. Il y va du salut de l’humanité.