Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/330

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rait acceptée d’emblée par celui-ci, dès qu’elle serait lancée par le moindre petit groupe. Mais nous avons à compter avec d’autres ennemis de la révolution sociale que la bourgeoisie. Tous les partis bâtards qui ont surgi entre la bourgeoisie et les socialistes révolutionnaires ; tous ceux qui, quoique sincères, sont pénétrés néanmoins jusqu’à la moelle de cette timidité d’esprit qui est la conséquence nécessaire des siècles de respect pour l’autorité ; enfin tous les gens de la bourgeoisie qui chercheront à sauver dans le naufrage une partie de leurs privilèges et crieront d’autant plus fort contre les quelques privilèges qu’ils seront prêts à sacrifier pour le moment — quitte à les reconquérir après ; — tous ces intermédiaires déploieront leur activité pour engager le peuple à lâcher la proie pour l’ombre. Il se trouvera des milliers de gens qui viendront dire qu’il vaut mieux se contenter de peu pour ne pas perdre le tout ; des gens qui chercheront à faire perdre le temps et à épuiser l’élan révolutionnaire en vaines attaques contre des choses futiles et des hommes insignifiants, au lieu de s’attaquer résolument aux institutions ; qui voudront jouer au Saint-Just et au Robespierre, au lieu de faire comme faisait le paysan du siècle passé, c’est-à-dire, — prendre la richesse sociale, l’utiliser de suite et établir ses droits sur cette richesse en la faisant profiter au peuple entier.

Pour parer à ce danger, il n’y a à présent qu’un moyen : c’est de travailler incessamment, dès maintenant, à semer l’idée d’expropriation par toutes nos paroles et tous nos actes : que chacun de nos actes se rattache à cette idée-mère ; que le mot : Expropriation pénètre dans chaque commune du pays ; qu’il