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traordinaires, eut établi Albuquerque dans la place de vice-roi. Au moment de son départ, les magiciens du pays lui déclarèrent qu’il ne passerait pas le cap de Bonne-Espérance : il le passa pourtant ; mais ayant relâché à la baie de Saldagna, qui en est à peu de distance, il prit querelle avec quelques nègres du pays, et fut tué.

Nous voici à l’époque des plus grandes conquêtes, et des plus considérables établissemens des Portugais. Albuquerque se voyait à la tête de la flotte la plus puissante qui eût encore paru dans ces mers avec le pavillon de Portugal. Il avait trente vaisseaux chargés de dix-huit cents hommes, et d’une multitude d’Indiens que l’espoir du pillage avait attirés sous ses enseignes ; car, dans tout gouvernement despotique, il n’y a point de patrie, et l’on appartient à celui qui paie le mieux. Les Européens établis dans les Indes ont toujours eu et ont encore dans leurs troupes beaucoup de naturels du pays, qui servent fort bien tant qu’on les paie, et s’en vont dès qu’il n’y a plus d’argent. Albuquerque, qui n’avait pas oublié ses ressentimens contre le samorin, tourna d’abord ses armes contre Calicut : la ville fut prise, et les vainqueurs y mirent le feu. Mais le vice-roi ayant reçu deux blessures dangereuses et perdu son lieutenant Coutinho, les Portugais, qui d’ailleurs avaient éprouvé une vigoureuse résistance, furent obligés de retourner à Cochin. On croyait qu’Albuquerque, dès qu’il serait guéri de ses blessures,