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Page:La Revue hebdomadaire 1896 n 228-232.pdf/628

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la cigarette ; encore écrivait-elle tout en fumant. Elle fumait du tabac oriental et aimait à rouler elle-même ses cigarettes et les miennes. Peut-être était-ce pour elle une source d’inspiration, car elle s’interrompait pour suivre les spirales de la fumée, noyée dans sa rêverie.

« C’est pendant son séjour à Venise qu’elle a composé, sur cette table de jeu à laquelle je suis appuyé en ce moment, ses Lettres d’un voyageur, et aussi son roman de Jacques. Je lui ai été dans la circonstance d’un faible secours, et ma collaboration s’est bornée à peu de chose ; je lui ai fourni quelques renseignements sur l’histoire de Venise, sur les mœurs du pays, et je l’ai souvent accompagnée dans les cabinets de lecture et à la bibliothèque Marciana.

« Elle possédait bien notre langue, mais pas assez pour écrire dans des revues italiennes ; de fait, elle n’a jamais songé à y écrire. Elle avait assez à faire à composer sa « copie » pour la Revue des Deux Mondes, car régulièrement elle envoyait ses feuillets à M. Buloz.

« Elle travaillait six à huit heures de suite, de préférence dans la soirée ; le plus souvent, le travail se prolongeait assez avant dans la nuit ; elle écrivait sans s’arrêter et sans faire de ratures.

« Les traits dominants du caractère de George Sand étaient la patience et la douceur, une douceur inaltérable ; elle ne se fâchait jamais et se montrait toujours satisfaite de son sort…

« Quand nous ne mangions pas au dehors, elle préparait elle-même les repas. C’était d’ailleurs une cuisinière émérite, qui excellait dans la confection des sauces ; elle aimait beaucoup le poisson ; aussi était-ce un plat qui figurait souvent sur notre table. Elle digérait, au reste, très bien toutes sortes d’aliments, n’étant jamais malade, sauf des gastralgies sans gravité ; je n’ai pas eu à lui prescrire de médicaments.