Page:La Revue hebdomadaire 1896 n 228-232.pdf/633

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cédé de lui cacher le secours qu’elle lui apportait ». Mon père a protesté, aussitôt qu’il a connu le fait, et nous ne cesserons de protester toutes les fois qu’on le rééditera. Je tiens de mon oncle défunt que ces toiles, sans être des Raphaël, étaient loin d’être des œuvres médiocres. Elles étaient signées du peintre Ortesiti, un maître. D’ailleurs, mon père avait beaucoup de relations dans le monde des artistes ; ses goûts s’étaient développés dans ce milieu, et il passait pour un connaisseur. Vous ne doutez pas que, dans ces conditions, il se fût bien gardé d’emporter avec lui des croûtes, dont il n’aurait pu tirer aucun parti.

« Il revenait ruiné, sa clientèle l’avait quitté, il lui fallait recommencer une nouvelle existence, c’était assez de déboires comme cela !…

« Sachez bien que les relations de mon père avec George Sand ont été un épisode dans sa vie, et rien de plus. George Sand, fatiguée des étrangetés d’Alfred de Musset, s’était donnée sans réserve à mon père, qui était jeune, aux larges épaules, intelligent, un vrai beau, brave et bon garçon. Mon père aimait la jolie étrangère pour son génie, sa bonté, et, sans en être aux nuages, il en était fort épris. Mais tout cela fut vite oublié. Une fois rentré en Italie, mon père reprit aussitôt ses occupations professionnelles. Il n’eut pas de mal à vite reconquérir sa clientèle. Son habileté, surtout comme chirurgien, était depuis longtemps établie : ancien élève du célèbre Scarpa et du chirurgien Rima, ex-médecin principal de la grande armée de Napoléon, il avait de qui tenir.

« Mon père fut un des premiers à introduire en Italie la lithotripsie qu’il avait vu pratiquer par Lisfranc, la cystotomie périnéale, et il acquit une véritable réputation comme accoucheur. Il y a huit ans tout au plus qu’il a cessé d’exercer. Jusqu’alors, il a fait son service à l’hôpital de Bellune avec la plus scrupuleuse