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souvenirs

Or, voici ce que raconte des Michelets de la Châtre une vieille histoire manuscrite de Notre-Dame de Vaudouan[1].

Tous les ans, lorsque venait la fin de septembre, les jeunes gens de métier, les fils d’artisans, se réunissaient en grand nombre à la Châtre, pour entreprendre le lointain pèlerinage de Saint-Michel-en-Mer. Au jour indiqué, le clergé de l’église paroissiale de Saint-Germain les conduisait processionnellement jusque sur la paroisse de Montgivray, près d’une ferme appelée la Varenne. Là, il bénissait une dernière fois l’intéressante caravane, et nos jeunes Miquelots, « saultans avecques leurs bourdons », comme dit Rabelais[2], se mettaient joyeusement en route. Lorsque les provisions dont on s’était pourvu à la partie venaient à faire défaut, ces pauvres enfants recouraient à la charité publique, et ils excellaient, dit-on, à la

  1. Ce manuscrit a été composé en 1679, par un M. Villebanois. — La chapelle de Notre-Dame de Vaudouan (Vallis Dianæ) est dédiée à la Vierge. Située sur la paroisse de Briantes, à cinq ou six kilomètres, au sud de la Châtre, cette chapelle est, après Sainte-Solange, le but du plus important pèlerinage du Berry. Sa célébrité était autrefois considérable. Il y a deux siècles à peine, en un temps de désastre public, la ville entière de Châteauroux s’achemina, pieds nus, le cierge au poing, criant miséricorde, vers cet humble sanctuaire. Enfin, un roi de France, Louis XIII, se voyant en danger de mort, envoya trois des plus brillants seigneurs de sa cour intercéder pour lui auprès de la Vierge des champs. (Voy. les différentes Histoires de Notre-Dame de Vaudouan, publiées à la Châtre, à Bourges et même à Paris.) — Le manuscrit Villebanois nous transmet les détails suivants sur l’une des restaurations dont fut autrefois l’objet l’image de Notre-Dame de Vaudouan. C’est, à notre sens, un curieux tableau des mœurs naïves du vieux temps. — En 1625, Louis Gillet, sculpteur et peintre habile de la ville de Troyes, en Champagne, se trouvant à la Châtre, on saisit avec empressement cette occasion pour faire repeindre la statue de la Vierge. Cette opération, à laquelle toute la ville prit le plus vif intérêt, eut lieu en la maison du nommé Sacrotaire, « sise sur la place du marché et, de présent (1679), possédée par maître Antoine Pajot, notaire royal. » Bertrand Gillet, marchand, frère du peintre et qui l’hébergeait, se chargea d’aller à Vaudouan querir l’image de Marie, et l’apporta à la Châtre dans une hotte. Après que Louis Gillet l’eut rajeunie, on l’orna de nouveaux atours, et « elle fut portée voir et vénérer, ajoute le vieux légendaire, par toutes les maisons principales dudit la Châtre, dévotement curieuses. »
  2. Gargantua, liv. I, ch : XXXVIII.