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introduction

notre pauvre humanité à traverser cette vallée de misère, et qu’il serait impie et cruel de lui enlever ; car la Providence a voulu que l’illettré eût, aussi bien que le savant, son monde de fictions, où il pût se réfugier et oublier, par moment, les tristes réalités de la vie matérielle. — Nous devons faire la guerre aux erreurs qui sont susceptibles de rendre l’homme malheureux ou mauvais, mais il faut nous garder de lui ravir les innocentes chimères qui le distraient ou le consolent.

Avant d’arriver à la civilisation, l’homme traverse un âge d’ignorance, de candeur et d’honnêteté, où ceux qui ont goûté au fruit de l’arbre de la science seraient presque tentés de le retenir, tant le perfectionnement qu’ils poursuivent leur semble parfois incertain et chimérique. — « L’esprit reste ferme, mais l’âme est bien triste », dit quelque part M. Michelet, en parlant de l’impression que fait sur l’incrédule la vue des fidèles sortant, rajeunis et renouvelés, des temples chrétiens. Ne faisons-nous pas tous en secret la même réflexion, nous autres hommes à lumières et qui nous disons affranchis de tout préjugé, parce que nous ne croyons plus à rien, lorsque nous sommes témoins des pratiques naïves auxquelles se livrent encore nos villageois, lorsque, surtout, nous recevons les confidences de leur crédulité d’enfant ? — Ah ! c’est certainement de ces gens-là que l’Évangile a dit : « Bien heureux les pauvres d’esprit ! » c’est-à-dire : bienheureux ceux dont l’esprit est plein de simplicité, ceux