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du vieux temps

avec une certaine magnificence[1]. — Chez les Argiens, à chaque retour du printemps, on promenait la vache sacrée, au milieu d’un appareil somptueux et en invoquant les faveurs de la déesse des moissons[2].

Encore de nos jours, les Chinois, dans la grande fête qu’ils consacrent, tous les ans, à l’agriculture, et où leur empereur met la main à la charrue, promènent et escortent en foule une vache énorme, modelée en terre et dont les cornes sont dorées. Près de cette vache se tient le génie du travail, un pied chaussé et l’autre nu. Puis s’avancent les cultivateurs portant divers instruments de labour. Enfin, une troupe de bouffons, de jongleurs et de masques, ferme la marche de cette procession. Cette cérémonie, qui, comme on le voit, a plus d’un trait de ressemblance avec celle de notre bœuf villé, est terminée par un discours que prononce quelque grand personnage à la louange de l’agriculture et à la suite duquel on extrait plusieurs petits veaux en terre des flancs de la vache-monstre que l’on brise à l’instant même et que l’on distribue par menus fragments à la multitude.

Mais à quoi bon aller chercher aussi loin la généalogie de notre bœuf villé, tandis que nous pouvons la trouver dans nos propres archives ? Les Gaulois, nos ancêtres, ne payaient-ils pas, ainsi que toutes les nations de l’ancien monde, un tribut d’adoration au dieu Bel ou Belen, c’est-à-dire au feu ou au soleil, et le taureau, emblème de Bel, ne figure-t-il pas, alternativement avec le sanglier et le cheval, autre emblème solaire[3], sur les monnaies et les enseignes gauloises ? — « Le barde Liwarkh-henn appelle Bel tout à la fois le Flambeau sublime, le Régulateur du ciel et le Taureau du

  1. Æliaui Varia hist., lib. V, c. 15 ; — Terentius Varro, de Re rustica, lib. II, c. 5 : — Samuel Petit, Lois d’Athènes.
  2. Pausanias, Grœciœ Descriptio.
  3. Les Gaulois avaient emprunté ce dernier emblème des Macédoniens à la suite de leurs conquêtes en Grèce, 278 ans avant J.-C.