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souvenirs du vieux temps

C’est sans doute par suite de la persistance d’anciennes traditions que le buis, dans nos campagnes, paraît avoir hérité du respect superstitieux que les Celtes professaient pour le gui. Au reste, il existe entre ces deux plantes une certaine analogie qui n’a pas échappé à Dioscoride, et qui résulte de la forme et du vert éternel de leur feuillage. Leurs noms mêmes : gui, buis, rendent à peu près un son pareil. Il serait donc assez naturel qu’après l’interdiction du gui, l’instinct religieux de nos populations les eût portées à lui substituer le buis. C’est ainsi qu’à une époque difficile à fixer, les Gaulois semblent eux-mêmes avoir remplacé par le gui le haoma, la plante sacrée par excellence de l’Inde, leur mère patrie ; la Gaule ne produisant pas le végétal indien.

On sait que les Gaulois ne connaissaient rien de plus sacré que le gui de chêne. Cette plante parasite se trouvait très-rarement sur cet arbre, même de leur temps ; aussi, lorsqu’ils avaient le bonheur de l’y rencontrer, la regardaient-ils comme un présent du ciel, et le chêne qui la portait était honoré à l’égal de la Divinité[1]. C’était avec la plus grande pompe religieuse qu’ils procédaient à la récolte du gui. Cette solennité avait lieu, ainsi que nous l’avons dit plus haut (p. 50), le sixième jour de la dernière lune d’hiver, jour par lequel s’ouvrait l’année dans les Gaules. Le pontife, revêtu d’une robe blanche et armé d’une serpe d’or, séparait de l’arbre la plante sacrée qui était reçue dans un blanc sagum. Puis, on immolait deux taureaux d’une blancheur éclatante, et l’on remerciait le ciel de sa munificence, en le priant de combler de ses grâces les possesseurs du précieux talisman[2]. Nous remarquerons, dans l’intérêt de la filiation des antiques croyances, que les nègres de Surinam, qui n’ont point encore été convertis au christianisme, rendent des honneurs divins au kutten-

  1. Voy. liv. III. ch. iv, l’article : Préservatif contre les sorts.
  2. Pline, liv. XVI, ch. 95 de son Histoire naturelle.